La Cour supérieure du Québec avait été saisie dans le cadre de deux recours collectifs intentés depuis 1998 au nom de plus d’un million de Québécois. Le procès lui-même ne s’était toutefois ouvert qu’en mars 2012.
Les avocats des parties civiles accusaient les cigarettiers d’avoir véhiculé « de fausses informations » sur leurs produits et d’avoir délibérément choisi « de ne pas utiliser les parties du tabac à faible teneur en nicotine » afin « d’entretenir la dépendance des fumeurs ».
Quatre accusations principales
Le juge Brian Riordan a ainsi retenu quatre accusations principales contre les trois multinationales, dont les manquements au « devoir général de ne pas causer un préjudice à d’autres » et au devoir « d’informer ses clients des risques et des dangers de ses produits ».
« Au cours des quelque cinquante années de la période couverte par les recours collectifs, et pendant les dix-sept années qui ont suivi, les sociétés ont gagné des milliards de dollars aux dépends des poumons, des gorges et du bien-être général de leurs clients« , a souligné le magistrat dans un jugement fleuve de 276 pages.
Le Conseil québécois sur le tabac et la santé, à l’origine de l’un des deux recours, a qualifié ce jugement de « grande victoire pour la lutte contre le tabagisme ». « [La responsabilité des cigarettiers] a été reconnue pour les emphysèmes, cancers du poumon ou cancers de la gorge » de fumeurs ou ex-fumeurs québécois, « du jamais vu au Canada », a estimé l’organisation.
Maître Bruce Johnston, représentant des victimes, a abondé en ce sens : « Ce jugement lance un message fort qu’aucune industrie n’est au-dessus de la loi« , a-t-il déclaré. « Le temps où l’on tolérait qu’une entreprise choisisse impunément ses profits aux dépens de la santé de ses clients est révolu. »
Pour les cigarettiers, le consommateur est responsable de ses choix
Les trois multinationales condamnées – Imperial Tobacco Canada (filiale de British American Tobacco), Rothmans Benson & Hedges et Japan Tobacco International – ont annoncé faire appel du verdict. Toutefois, cet appel n’est pas suspensif, le juge ayant ordonné aux cigarettiers de débuter le versement des dommages et intérêt, quand bien même la cause serait portée en appel. Les trois entreprises devront ainsi débourser plus d’un milliard de dollars d’ici fin juillet. Sur les 15,5 milliards de dommages et intérêts, Imperial Tobacco Canada en paye la plus grosse partie avec 10,5 milliards.
Dans un communiqué, des représentants de cette entreprise ont déclaré que « les consommateurs adultes et les gouvernements étaient au courant des risques associés à l’usage du tabac depuis des décennies« . Selon eux, ce jugement « cherche à dégager les consommateurs adultes de toute responsabilité de leurs actes« .
Pour Japan Tobacco International (JTI), « les preuves présentées au procès ne soutiennent pas les conclusions retenues par la Cour« . « Depuis les années 1950, les Canadiens étaient très informés des risques posés sur la santé par la cigarette« , a insisté JTI, relevant que des avertissements sanitaires sont imprimés sur les paquets de cigarettes depuis plus de 40 ans.
Source : francetvinfo.fr