Mystère et boules de gomme ! A qui doit-on réellement l’invention de l’e-cigarette, cet outil de réduction des risques qui prend de l’ampleur depuis maintenant plus de 10 ans ? A travers ce dossier concocté par notre rédaction, vous pourrez découvrir que cette invention n’est pas le fruit d’une personne mais bien d’un travail collectif qui s’est effectué sur plusieurs dizaines d’années.
L’INVENTION DE L’E-CIGARETTE – UNE CAUSE ÉVIDENTE : LE TABAC
Est-il sérieux de parler de l’invention d’un outil de réduction des risques tel que l’e-cigarette sans évoquer l’histoire du tabac ? Il nous semble clairement que non. Si le débat peut en effet avoir lieu, nous pensons que si le tabac n’existait pas, l’e-cigarette n’aurait probablement pas lieu d’être.
Tout d’abord, partons donc dans l’histoire du tabac. On estime que les premières plantes de tabac ont commencé à être cultivé, il y a plusieurs milliers d’années. La date vacille entre 8000 ans pour le continent américain et 3000 ans pour le continent européen.
Dès l’Antiquité, on voit apparaître la consommation de « tabac » en Europe. Pareillement, en Afrique, pendant l’ère égyptienne. À l’époque, il ne s’agit pas de tabac en tant que tel, mais davantage le fait de brûler des plantes et de se servir de la fumée pour se soigner ou pour prier. On utilise alors des feuilles d’eucalyptus et de poirier pour fumer à la pipe. Mais, c’est grâce aux plantes cultivées en Amérique du Sud et Amérique Centrale que le tabac que nous connaissons aujourd’hui a vu le jour.
Concernant l’Amérique, les premières cultures de tabac remonteraient à l’époque Maya, à environ huit milliers d’années. Les Mayas utilisaient le tabac pour se soigner, mais aussi dans leurs rituels religieux et magiques, les différents rites de société et les cérémonies importantes.
Pour l’Europe, le tabac n’apparait qu’après la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb en 1492. Celui ci est alors importé sur le continent, puis commercialisé. Son business n’a cessé de se développer les siècles suivants.
Ce n’est cependant qu’en 1843, que la première cigarette officielle est inventée. Elle est alors vue comme un moyen efficace et peu coûteux de pouvoir consommer du tabac. Un demi-siècle après, elle s’impose comme un produit de la vie courante et devient même un objet de mode, au grand malheur des professionnels de la santé.
Cultivé sur tous les continents, le tabac entre totalement dans les mœurs. Les progrès techniques et industriels permettent de produire plus facilement ces cigarettes qui s’imposent face à la chique, la pipe ou même le cigare. La cigarette avec filtre qu’on utilise de nos jours fait son apparition en Suisse dans les années 1930 et arrive dans les foyers français en 1950.
L’INVENTION DE L’E-CIGARETTE – LES PRÉMICES ANTIQUES D’UNE INVENTION
On aurait souvent tendance à dater les prémices de l’e-cigarette au début du 20ème siècle. Pourtant on sait également qu’entre le VIIIᵉ siècle et le IIᵉ siècle av. J.-C, les Scythes basés en Égypte avaient une pratique liée à la vapeur. Si on ne peut clairement pas parler d’e-cigarette ou de vapotage, il est troublant d’imaginer que cet ensemble de peuples indo-européens d’Eurasie ayant envahi l’Égypte puisse avoir contribué à la création de l’e-cigarette des milliers d’années plus tard.
Hérodote, historien et géographe grec, considéré comme le premier historien et surnommé le « Père de l’Histoire » écrivait en son temps : « Les Scythes prennent une partie de cette graine de chanvre et la jettent sur les pierres chauffées au rouge; immédiatement elle se vaporise et dégage une vapeur qu’aucun bain de vapeur grec ne peut dépasser ; les Scythes, ravis, crient de joie. ».
La dynastie des Séfévides ou Safavides qui régnait sur la Perse de 1501 à 1736 utilisaient ce que nous appelons aujourd’hui un narguilé ou « hookah ». Si l’on ne parle toujours pas de vaporisation comme nous la connaissons aujourd’hui cela reste tout de même les prémices du vapotage qui ne méritent clairement pas d’être ignorés.
Pour en venir à l’e-cigarette moderne, nous devons avancer de plusieurs centaines d’années jusqu’au tout début du 20ème siècle.
L’INVENTION DE L’E-CIGARETTE – HENRY FERRE (1903)
Orgueil ou réalité historique, il n’est pas toujours question du français Henry Ferré dans la fabuleuse invention de l’e-cigarette. En pourtant, pour certains, le français serait ni plus ni moins que le premier inventeur de la cigarette électronique moderne. Évidemment, les américains ou les chinois ne seront pas d’accord avec cette affirmation.
Pourtant en 1903, le pharmacien parisien Henry Ferré a l’idée de créer un objet révolutionnaire. Son inhalateur tubulaire fonctionne grâce à un mélange de plusieurs substances chimiques qui produisent une vapeur blanche. Pour faire naître cette vapeur, Henry Ferré utilise un mélange d’acide chlorhydrique, d’une solution aqueuse de carbonate d’ammonium et d’alcool polyatomique. Pour le pharmacien, il n’y a aucun doute. Son invention est inoffensive.
Elle est présentée par Henry Ferré de cette façon : » Ces orifices, qui sont capables d’être fermés ou ouverts, permettent la production, par aspiration ou par forçage d’un courant d’air qui agit sur le coton ou le matériau poreux saturé produit pour chaque récipient un aérosol différent, qui combiné dans la chambre de vaporisation, formé à l’extrémité intérieure du tube, produit la vapeur souhaitée, qui peut être inhalée immédiatement par l’intermédiaire de l’embout buccal. Le corps de l’appareil ainsi constitué peut être couvert avec une feuille de papier ou tout autre matériau approprié, de manière à donner l’apparence d’un cigare. »
Le pharmacien voyait son appareil comme une attraction. Son objectif est avant tout de divertir les gens. Son appareil n’a jamais été commercialisé et Henry Ferré reste malheureusement inconnu pour la plupart des spécialistes qui se penchent sur l’histoire de l’e-cigarette.
L’INVENTION DE L’E-CIGARETTE – IGNAZIO BUCCERI (1909) : UNE VAPEUR ARÔME CIGARE
En 1909, Ignazio Bucceri présente un objet tubulaire ayant l’aspect d’un cigare. Le brevet présente le produit révolutionnaire comme un inhalateur qui produit de la vapeur ayant un goût de fumée de cigare. Le produit est présenté le 23 décembre 1909 et est breveté le 28 juin 1910.
Dans son brevet, on retrouve une présentation complète de l’inventeur : » Sachez que moi, Ignazio Bucceri, sujet du roi d’Italie, et résident de Brooklyn, dans le comté de Kings, État de New York, j’ai inventé certaines améliorations nouvelles et utiles concernant les inhalateurs, dont voici une spécification. Mon invention concerne les inhalateurs tubulaires pouvant être tenus en bouche.
Le but de mon invention est de produire un inhalateur très bon marché conçu pour représenter un cigare et contenant des produits chimiques qui se vaporisent. Une fois combinées cela produira une vapeur avec la couleur de la fumée de tabac ayant un goût très agréable. Ces inhalateurs sont non seulement facilement transportable, mais ils sont particulièrement utiles à ceux qui fument.«
L’INVENTION DE L’E-CIGARETTE – JOSEPH ROBINSON (1927) : UN BREVET QUI CHANGE TOUT !
Pour beaucoup, l’histoire de l’invention de l’e-cigarette commence en 1927 avec l’américain, Joseph Robinson. Celui ci surprend son monde en présentant le premier » vaporisateur électrique « .
« Mon invention concerne des dispositifs de vaporisation contenant des composants médicinaux qui sont chauffés électriquement afin de produire des vapeurs pour l’inhalation. Elle permet de fournir un dispositif pour un usage individuel qui peut être librement manipulé sans aucune possibilité de se brûler et qui est hygiénique, très efficace et si simple que n’importe qui peut l’utiliser. » déclare t’il à l’époque.
Présenté en 1927, le produit est breveté le 16 septembre 1930. Pourtant il faut être clair, il n’est pas question de cigarette électronique même si on reste aujourd’hui proche de la définition de celle-ci (à condition de vouloir en faire un dispositif médical). Il est important de préciser que le « vaporisateur électrique » de Joseph Robinson ne contenait pas de batterie (plutôt logique en 1927), il est relié par un câble à une source électrique. Intéressant néanmoins, la résistance chauffe directement les substances comme les inhalateurs actuels.
L’INVENTION DE L’E-CIGARETTE – MARVIN L. FOLKMAN (1944) : UN SUBSTITUT A LA CIGARETTE ?
Le 29 décembre 1944, Marvin L.Folkman présente un substitut à la cigarette. Sa création est claire, il parle d’un agent volatile libéré par le flux d’air d’une inhalation pour créer un substitut à la cigarette.
Dans son brevet validé le 20 juillet 1948, il est question d’un véritable substitut à la cigarette et surtout à la fumée nocive du tabac. Il précise :
L’INVENTION DE L’E-CIGARETTE – FRANK BARTOLOMEO (1956) : UN PRODUIT POUR « FUMER » PARTOUT !
Le 21 Février 1956, l’inventeur américain Frank Bartolomeo lance sa création : un « Smoking Device » avec une capsule contenant les arômes et la fumée du tabac. Son brevet est validé le 18 novembre 1958.
Dans son brevet, Frank Bartolomeo donne quelques explications sur le pourquoi de sa création : » Il y a de nombreux endroits où il est interdit de fumer à cause de nouveaux risques comme la présence d’explosif. L’objet de la présente invention est de fournir un dispositif à fumée (smoking device) simulant la cigarette qui fournira de la fumée sans utiliser de combustion. »
L’INVENTION DE L’E-CIGARETTE – HERBERT.A GILBERT (1965) : LE RÉEL INVENTEUR ?
En 1963, l’américain Herbert A. Gilbert enregistre un brevet en Pennsylvanie intitulé « une cigarette sans fumée ne contenant pas de tabac », on se rapproche alors de la définition de l’e-cigarette moderne. Considéré par la plupart des américains comme l’inventeur de l’e-cigarette, Herbert A. Gilbert parle d’une « cigarette sans fumée remplaçant le tabac et le papier par de l’air chauffé et aromatisé ». Le principe est de faire passer de l’air chauffé au travers d’une cartouche contenant un arôme, un peu à la manière d’une cafetière à cartouche. Son brevet est validé le 17 Août 1965.
A cette date, le tabac est déjà considéré comme un fléau. En effet, 523 millions de cigarettes ont été brûlées aux États-Unis, les dangers de celle ci sur la santé sont connus à un point tel qu’elle reçoit le surnom encore utilisé aujourd’hui de » tueuse « .
Si le concept proposé par Herbert A. Gilbert semble se rapprocher clairement de l’e-cigarette moderne seul l’apport d’un arôme est encore utilisé de nos jours. Malheureusement pour l’inventeur, la « Smokeless non-tabacco cigarette« (la cigarette sans fumée et sans tabac) a été un véritable flop. Aucune société n’a souhaité se lancer dans sa commercialisation. Gilbert accuse le coup et juge les industries du tabac fautives.
En 2018, il déclarait » Tous les dispositifs de vapotage d’aujourd’hui appliquent simplement la technologie du 21ème siècle à mon invention du 20ème siècle. » ajoutant » Dès que le brevet a été délivré et publié, les fabricants de produits pharmaceutiques et de tabac ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour empêcher son succès et, dès son expiration, ils ont tous présenté de nouveaux brevets avec la même fonction opératoire que mon invention originale « .
Pas loin de 70 ans plus tard, la pilule ne passe toujours pas pour Herbert A. Gilbert qui considère que l’industrie du tabac et l’industrie pharmaceutique lui ont déclaré la guerre…
L’INVENTION DE L’E-CIGARETTE – RAY / JACOBSON (1970-80) : UNE CIGARETTE NON COMBUSTIBLE
En 1970, le concepteur des microprocesseurs indispensables à nos ordinateurs Phil Ray doit se faire opérer. Mais pour ce faire, il doit mettre un terme à sa forte consommation de cigarettes. Il demande à son médecin, le Dr Norman Jacobson, une alternative rapide et efficace à la cigarette. Les deux hommes s’entretiennent longuement avant de mettre au point une cigarette non combustible en 1980 qu’ils nomment Favor.
Ce produit permet l’évaporation de la nicotine. Il est le premier produit soit disant issu de la vape à être commercialisé. Mais encore une fois, c’est un échec. Le duo met lui aussi la faute sur l’industrie du tabac qui s’est mis comme un rempart contre sa commercialisation. Il est bon de noter que ce produit n’était pas électronique et ne générait aucune vapeur, raison probable de l’échec cuisant.
En 1988, la R.J. Reynolds Tobacco Company (abrégé en RJ Reynolds) lance un nouveau produit qui n’est pas vraiment une e-cigarette mais qui a également sa place dans cette fabuleuse histoire. Dans la cigarette « Premier » on retrouve deux produits important pour le vapotage : l’arôme et surtout la glycérine végétale ainsi que la nicotine inhalée.
Le principe était de chauffer un aérosol à l’aide d’un morceau de charbon (comme le narguilé). Le tout est glissé dans un tube en papier ressemblant à une vraie cigarette et disposant d’un filtre. Évidemment l’aspect sanitaire n’était pas présent. Le goût n’étant pas au rendez-vous, la cigarette « Premier » fera un flop commercial.
L’INVENTION DE L’E-CIGARETTE – STÉPHANE MARC VLACHOS (2001) : UN INVENTEUR NON RECONNU !
Mythe ou réalité ? Difficile de dire quel est le réel rôle du français Stéphane Marc Vlachos. En 2001, l’étudiant en informatique présente son invention : une batterie au Lithium qui chauffe une résistance entourée d’une bourre en coton, actionnée par un bouton, le liquide utilisé est composé de glycérine végétale. Son invention se basant essentiellement sur les travaux de Herbert A. Gilbert et Joseph Robinson, le français n’a jamais réussi à faire reconnaitre son invention.
Selon certaines sources, le brevet serait toujours en attente pour une reconnaissance par l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle). Pourtant il semble bien être le premier à utiliser une batterie, et une mèche ou bourre pour retenir du liquide. Une fiche Wikipédia qui lui ai dédié précise en 2013 que Stéphane Marc Vlachos se serait fait voler son invention par une femme chinoise.
Pour beaucoup de références françaises, Stéphane Marc Vlachos est sans conteste l’inventeur de l’e-cigarette moderne mais il reste difficile de trouver des preuves fiables et définitives de cette paternité.
L’INVENTION DE L’E-CIGARETTE – HON LIK (2003) : L’INVENTEUR RECONNU DE L’E-CIGARETTE
Reconnu comme l’inventeur de l’e-cigarette moderne, Hon Lik est un pharmacien chinois qui s’est taillé une véritable réputation de héros.
Hon Lik découvre la cigarette à 18 ans dans une Chine en pleine révolution culturelle. Né à Xifeng, il profite des productions de tabac de son village. Naît en lui une dépendance qui croît avec le temps. D’un paquet par jour, il consomme rapidement deux paquets par jour. Il devient expert de réparation de radios de son village avant d’étudier la pharmacopée chinoise en 1977. Il devient sous-directeur de l’Institut de recherche sur les médicaments chinois de Shenyang. Devenu pharmacien, il est déterminé à arrêter de fumer.
Le pharmacien chinois tente de stopper son addiction par le patch. Mais il se rend compte qu’il n’est pas suffisant pour satisfaire ses besoins en nicotine. Il comprend que la nicotine stimule le cerveau, surtout la nuit. L’arrivée rapide de nicotine au cerveau au moment d’un tirage sur une cigarette doit être comblée. Il veut reproduire ce pic de nicotine pour arrêter de fumer.
En 2000, Hon Lik déclare avoir « fait un rêve » pourtant il ne se mettra à travailler sur l’e-cigarette qu’en 2003. C’est un an après, en 2004 que son brevet est déposé. Présentation assez étonnante, on retrouve une batterie, une carte électronique détectant l’aspiration et déclenchant la chauffe d’une résistance (une sorte de switch automatique) , le principe d’un liquide contenant de la nicotine (sans précision de composition). Selon le brevet du pharmacien chinois, le liquide est pulvérisé sur l’atomiseur (sans mèche) à la manière d’un flacon de parfum.
Les seules réelles inventions de Hon Lik sont le principe de switch automatique et la pulvérisation. Il n’est d’ailleurs pas question d’e-cigarette mais bien de « cigarette sans fumée à pulvérisation électronique« .
En 2005, Hon Lik fonde sa propre société d’e-cigarette à Shenyang qu’il nomme Ruyan. Mais sa société est victime d’une campagne de dénigrement. Son invention est utilisée par d’autres sociétés qui fabriquent en plus grande quantité et commercialisent à meilleur prix sur le territoire chinois. Son brevet sera finalement racheté par le cigarettier « Imperial Tobacco » pour la somme astronomique de 75 millions de dollars (55 millions d’euros) en septembre 2013.
L’INVENTION DE L’E-CIGARETTE – CONCLUSION
Nous arrivons à la conclusion de ce dossier passionnant et il est toujours aussi difficile de dire avec certitude qui est le réel inventeur de l’e-cigarette moderne. La facilité serait évidemment de déclarer Hon Lik vainqueur de cette bataille pourtant ce serait un raccourci facile « première commercialisation = inventeur ». Si pour la presse et une bonne partie de la population le pharmacien chinois est l’inventeur de l’e-cigarette ce n’est pas le cas pour les américains qui privilégient Herbert A. Gilbert et pour une partie des français qui déclareront que l’invention est celle de Stéphane Marc Vlachos voir même d’Henry Ferré.
La réalité semble pourtant plus simple ! La fabuleuse histoire de l’e-cigarette moderne réside dans son évolution avec le temps. Il n’y a pas un, mais des inventeurs de l’e-cigarette moderne. Il y a des brevets d’inventions. Chacun proposant un ensemble de principe mais aucun ne permettant à lui seul de faire une e-cigarette. Il reste également beaucoup de mystères autour de potentielles implications néfastes de l’industrie du tabac et de l’industrie pharmaceutique dans la création de ce produit qui aujourd’hui est une défiance au tabagisme.
Ce qui semble sur, c’est que l’histoire de l’e-cigarette et de la vape ne fait que commencer !