Addictologue à la clinique Philaë de Rennes et à l’hôpital de Laval, Laurent Liguine fait partie des 120 médecins qui ont interpellé le gouvernement, le 28 octobre.
Ils lancent « un appel en faveur de la réduction des risques tabagiques, par la prise en compte sincère du potentiel de la cigarette électronique ».
Vous aidez les fumeurs à « décrocher ». Pour y parvenir, l’e-cigarette est-elle un moyen efficace ?
Je constate que c’est un bon moyen pour diminuer ou arrêter sa consommation de tabac. La cigarette électronique est incomparablement moins toxique que le tabac, il n’y a pas photo! Et elle s’intègre bien à la nouvelle politique de réduction des risques que je soutiens: il ne s’agit plus de prôner à toute force l’abstinence, mais de chercher à améliorer la santé des patients. L’objectif est de parvenir à une vie meilleure; si cela passe par l’arrêt du produit, très bien, mais le patient doit avoir son mot à dire.
L’usager de l’e-cigarette est acteur du processus. Il choisit de la prendre ou pas, il gère. Cela ne sert à rien d’effrayer les patients, de leur ordonner d’arrêter. Être très dirigiste est inefficace. Le patient doit changer de comportement. C’est compliqué et impossible à prescrire. Je privilégie l’autonomie du patient, je travaille avec lui pour l’aider à puiser dans ses propres ressources.
Vous prescrivez la cigarette électronique ?
Non, car elle n’est pas un médicament. Mais quand les gens évoquent cette possibilité, je peux les encourager à tenter l’expérience. Je n’ai jamais fumé. Et je vois bien que l’addiction au tabac est extrêmement forte : la plus forte derrière l’héroïne, mais devant celles à l’alcool et au cannabis.
L’essentiel est de trouver avec le fumeur le traitement substitutif qui lui convient le mieux. Avec les patchs ou l’e-cigarette, par exemple, on obtient de bons résultats. L’usager de l’e-cigarette fume moins, il diminue de lui-même son taux de substitution de nicotine, etc.
Des études ont mis en garde : des liquides et parfums pour e-cigarettes seraient douteux, possiblement cancérogènes…
Comme le tabac, la cigarette électronique n’est pas sans risques. Mais elle est à coup sûr nettement moins dangereuse, elle entraîne nettement moins de problèmes pathologiques. Des produits douteux sont sans doute en vente sur le marché. Si l’e-cigarette était mieux reconnue, elle serait aussi mieux encadrée sur le plan sanitaire (règles de fabrication, fiabilité des substances…).
Vous estimez que la France est trop « frileuse », en matière de lutte contre le fléau du tabac. Que préconisez-vous ?
Le paquet de cigarettes neutre, c’est un bonne idée. La hausse des prix aussi (1). Autre piste: être plus vigilants sur les publicités masquées pour le tabac. La loi Evin semble bien loin. On est en droit de s’interroger sur la toute-puissance des lobbies de cigarettiers.
(1) Pour que la hausse ait un effet réellement dissuasif, « le prix des cigarettes doit augmenter de 10%, en une seule fois », ont souligné plusieurs études internationales.
Source : Ouest-France