INTERNATIONAL – Aujourd’hui comme hier, le lobbying de l’industrie du tabac auprès des institutions européennes doit être considéré comme le scandale du siècle. Pourquoi? En tant que député européen, j’ai été témoin du travail de sape réalisé par les lobbyistes de l’industrie du tabac lors des négociations autour de la directive tabac adoptée, malgré tout, en 2014.
Le lobbying de cette industrie n’est pas une activité à mettre sur le même plan que d’autres pratiques d’influence même s’il en emprunte les mêmes codes: nous avons à faire à des marchands de mort!
C’est pourquoi avec d’autres parlementaires européens de toutes sensibilités confondues nous avons décidé de mener ce combat contre l’ingérence de l’industrie du tabac dans nos politiques et nos actions.
Parcourant récemment de nombreuses capitales européennes comme Lisbonne, Vienne, Athènes, Paris, Rome, Londres, Madrid et Berlin, j’ai rencontré des ONG, des représentants des Ministères de la Santé, des finances et des douanes pour non seulement faire le point sur la transposition de la directive tabac qui doit être faite au plus tard en mai 2016 mais aussi pour échanger sur la lutte contre la contrebande et le marché noir de cigarettes qui nuit à nos politiques de santé.
Certains États membres sont empêchés de mettre en œuvre des mesures ambitieuses. D’autres comme le Royaume-Uni et la France parviennent cependant à résister à ce lobbying mortifère en faisant le choix du paquet neutre ou en ne rendant plus visibles les cigarettes dans les présentoirs des magasins! Dans le cas de la France, il s’agit également du 12ème pays à avoir ratifié le protocole de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) contre le commerce illicite du tabac. Ce protocole prévoit ainsi une traçabilité indépendante pour contrer la contrebande ou le marché de noir de cigarettes.
Or, il y a de plus en plus de preuves de l’implication de l’industrie du tabac dans le trafic illicite. Les fabricants produiraient une quantité de cigarettes trop élevée (qui représenterait dans certains pays 240% de la demande du marché) pour être écoulées uniquement de façon légale. Ces produits trouveraient alors leur chemin vers le marché noir. Les fabricants seraient ainsi responsables de 25% de la contrebande de cigarettes. Le groupe de contrôle et de recherche du tabac de l’Université de Bath au Royaume-Uni en a indiqué les preuves dans un rapport récent après 13 ans de recherche.
N’hésitons pas à le dire: le commerce illicite fait partie de la stratégie commerciale de l’industrie du tabac. Une traçabilité indépendante est donc plus que jamais nécessaire. Pourquoi? Ce sont des pertes fiscales évaluées à 12 milliards par an pour l’Union Européenne. La contrebande de cigarettes alimente les flux internationaux qui contribuent au financement du terrorisme. Certaines organisations terroristes se financent par ces trafics. Les services de douanes londoniens me l’ont ainsi confirmé. Une enquête au sein de l’OLAF a été ouverte en 2012 contre un industriel du tabac pour violation de l’embargo syrien dont nous attendons toujours les conclusions.
Il est urgent que l’Union Européenne ratifie le protocole de l’OMS et que nous mettions en œuvre une traçabilité indépendante qui exclut CODENTIFY, système interne à l’industrie du tabac.
Nous demandons également le non-renouvellement des accords de coopération entre l’Union européenne et l’industrie du tabac. Ces accords, depuis 2004, ont montré leur inefficacité. D’un côté, les États Membres ont un manque à gagner de 12 milliards d’euros par an, de l’autre, selon les années, les paiements cumulés de l’industrie du tabac peuvent s’élever de 50 à 150 millions d’euros. Mais de qui se moque-t-on? Ces versements ne représentent même pas 1% des pertes annuelles estimées. Le lobbying de l’Industrie du tabac et ces accords de coopération avec l’Union européenne doivent nous interpeller.
Finalement que constatons-nous? Illégalité voire criminalité organisée via la contrebande ou le marché noir de cigarettes, inefficacité contre le commerce illicite des produits du tabac, stratégies d’évasion fiscale mises à jour la commission spéciale du Parlement européen sur l’évasion fiscale – voilà le constat que nous devons faire pour que ces pratiques cessent.
Ce combat, c’est la lutte pour la santé, pour la vie mais aussi contre le financement du terrorisme ! Tels sont les défis, que nous entendons relever pour l’année 2016.
Source : huffingtonpost.fr