Dans une interview accordé au Parisien, l’addictologue Jean-Pierre Couteron fait le point sur les méthodes mises en oeuvre pour lutter contre le tabagisme. Des succès, mais beaucoup d’échecs.
« PAS DE CAMPAGNE NATIONAL EN FAVEUR DE LA E-CIGARETTE«
Psychologue et président de la Fédération Addiction, Jean-Pierre Couteron a participé aux travaux de réflexion menés par le ministère de la Santé avant la mise en place des paquets neutres. Aujourd’hui, quatre mois après leur arrivée, il estime que les résultats ne sont pas bons et qu’il faut en tirer les conséquences.
Quel est l’impact du paquet neutre ?
Jean-Pierre Couteron. On constate malheureusement que le niveau de consommation de tabac est encore très haut. Il est ennuyeux de constater que les ventes de cigarettes au premier trimestre 2017 ont été supérieures à celles du premier trimestre 2016… alors que le paquet neutre n’existait pas. Donc, peut-être qu’à long terme cela marchera, mais pour l’instant en tout cas le résultat n’est pas à la hauteur des espérances.
Comment expliquez-vous cet échec ?
Il est temps aujourd’hui de se poser des questions sur la pertinence des choix effectués. Les photos des maladies qui ont été choisies sont destinées à faire peur. Mais sont-elles vraiment efficaces ? On sait que chez des jeunes le gore produit une certaine fascination. Je le constate régulièrement au cours de mes consultations de prise en charge d’addictions. Pourquoi ne pas mettre des images moins dures ?
Et en ce qui concerne les adultes ?
On est allé trop loin en les diabolisant. Certains me disent qu’ils se sentent agressés par ces images et ces injonctions. Pour lutter avec succès contre une addiction, il faut que la personne aidée ait confiance dans celui qui lui donne des conseils. S’il passe pour un donneur de leçons, ça ne fonctionne pas. Il faut donc ouvrir le débat sur l’efficacité du paquet neutre.
Vous estimez que la ministre de la Santé n’a pas bien géré ce dossier ?
Marisol Touraine a fait en sorte que la directive tabac de l’Union européenne soit appliquée avec efficacité en France. Elle a eu raison car il fallait combattre le marketing positif des cigarettiers, avec le cow-boy Marlboro ou l’élégante qui fume. Mais cette politique aurait été plus efficace si on avait moins culpabilisé les fumeurs, et surtout si on avait vraiment augmenté les prix. Or cela n’a pas été le cas.
Quelles autres actions auraient été nécessaires ?
Le ministère n’a pas lancé de politique de soutien au vapotage, qui a fait pourtant ses preuves. Il n’y a pas eu de campagne nationale en sa faveur… alors que c’est vraiment une porte de sortie du tabagisme. Résultat : la politique antitabac n’a pas été bonne. Pour détourner une phrase célèbre, on ne pourra pas inverser la courbe du tabagisme seulement avec le paquet neutre.