Dans un contexte mondial où les ventes de tabac traditionnel chutent régulièrement, les grands industriels n’ont d’autre choix que d’infléchir leur stratégie. Nouveaux produits, nouvelle image… Une transformation en profondeur, longue et coûteuse, dans laquelle s’est engagée Philip Morris International.
IQOS, UN PRODUIT DE RÉDUCTION DES RISQUES ?
Il y a quelques mois, lorsque André Kalentzopoulos, le CEO de Philip Morris International (PMI) déclarait que l’objectif du groupe était de sortir de la cigarette traditionnelle. Beaucoup ont cru à un canular. Comment une multinationale, qui emploie 90.000 personnes, qui fabrique et vend du tabac depuis 150 ans sous les marques Marlboro, Chesterfield, L&M, peut-elle négocier un tel virage ? C’est pourtant ce qui est en train de se dérouler.
Après 10 ans de travail, 3 milliards de dollars et 1.900 brevets déposés, Philip Morris a créé IQOS, surnommé par les consommateurs « I quit ordinary smoking« . Un petit stick de tabac composé d’un filtre est inséré dans un dispositif électronique puis chauffé entre 300 et 350 degrés. Le tabac mélangé à de la glycérine se vaporise sous l’effet de la chaleur. Le fumeur inhale ainsi « une vapeur de tabac » (et donc de la nicotine). Le tout, sans flamme, sans combustion, sans fumée, sans odeur et sans cendre. Le dispositif électronique est fabriqué en Malaisie. Philip Morris assure que les sous-traitants ont la capacité industrielle nécessaire pour soutenir des cadences élevées.
L’un des responsables de la communication du groupe, Tommaso di Giovanni, accompagné de Ruth Dempsey, l’emblématique responsable scientifique de Philip Morris International, se chargent, pendant une heure et demi d’expliquer le fonctionnement d’Iqos (échantillons, prototypes, études scientifiques, négociations avec les autorités). L’occasion aussi d’exposer la nouvelle stratégie du groupe, « les produits à risques limités« . Il s’agit toujours de fumer, mais de fumer mieux.
Le cigarettier explique que cette technique du « tabac aérosolé » a le potentiel de diminuer considérablement les risques pour la santé. D’après des études du groupe, Iqos pourrait réduire certains composés chimiques dans des proportions importantes, de l’ordre de 90 à 95%. Cependant de nombreuses études indépendantes sont encore en cours.
PHILIP MORRIS VEUT IMPOSER IQOS DANS LA MONDE..
Une stratégie « low risk » qui permet à Philippe Morris de continuer à vendre du tabac, son cœur de métier. Ainsi par exemple son usine de Bologne en Italie vient de subir un lifting : 670 millions de dollars pour transformer et adapter les lignes de production. 74 milliards de sticks de tabac devraient sortir des usines du groupe d’ici la fin de l’année.
Iqos est déjà vendu dans une vingtaine de pays. Au Japon au niveau national, et dans de nombreuses villes, en Suisse, en Italie, en Russie, au Portugal, en Allemagne, aux Pays Bas ou encore au Canada. L’objectif est qu’Iqos soit commercialisé dans 35 pays d’ici la fin de l’année. Dont la France. Mais le cigarettier refuse d’évoquer un quelconque calendrier.
Aux Etats-Unis des négociations sont en cours avec la toute puissante FDA (Food and Drug Administration). Ruth Dempsey la responsable scientifique, indique que « 2 millions de pages de documentation ont déjà été fournies aux autorités« . Philip Morris assure que les taux de conversion « fumeurs traditionnels vers Iqos » sont encourageants (entre 69 et 80% en fonction des pays).
Il faudra cependant du temps avant qu’Iqos et les autres modèles électroniques du groupe viennent surpasser dans les comptes, la cigarette traditionnelle. En 2016 les « produits combustibles » ont rapporté 74 milliards de dollars. « Les produits à risques réduits« : 739 millions de dollars. « Des décennies d’histoire ne se changent pas en une après-midi » expliquait il y a peu André Kalentzopoulos le CEO de PMI.
La nouvelle stratégie semble en tout cas plaire aux investisseurs : le cours de Philip Morris International flambe, de 85 dollars au mois de janvier 2017, il atteint un peu plus de 104 dollars ces jours-ci.
Dans les laboratoires, on travaille déjà sur les futurs modèles, PMI y consacre désormais la moitié de son budget en recherche et développement, 4.500 brevets sont en cours d’enregistrement. L’occasion de transformer -dès cette année- ces cigarettes nouvelle génération en cigarettes connectées (Bluetooth, application mobile).
Un futur relais de croissance en puissance puisque cela pourrait ouvrir à Philip Morris la porte du Big data. Mais en réponse à cette question, Tommaso Di Giovanni, le porte-parole du groupe, se contentera d’un grand sourire.
Source : BFMTV