« Ou en est on avec la e-cigarette ? » C’est la question que le journal « Le Figaro » s’est posée aujourd’hui, la réponse elle, est apportée par le professeur Gérard Dubois, membre de l’Académie nationale de médecine et professeur émérite de santé publique.
Le principe de la e-cigarette est de produire par un chauffage doux un aérosol de propylène glycol ou de glycérol, avec ou sans nicotine. Inventée en Chine par Hon Lik en 2006, la cigarette électronique est disponible sur un marché qui s’est développé de manière spectaculaire et on estime à 3 millions le nombre de «vapoteurs» français en 2014.
L’aérosol ou «vapeur», émis par l’e-cigarette, ne contient pas les substances toxiques liées à la combustion des cigarettes classiques comme le monoxyde de carbone (cause d’infarctus) ou les goudrons (causes de cancers). Le propylène glycol, également utilisé comme additif alimentaire, n’a aucune toxicité à court terme à la température de 60 degrés.
Quant à la dégradation du glycérol en produits toxiques, elle n’est significative qu’au-delà de 250 degrés. La nicotine est associée à la dépendance au tabac, mais elle est ici seule et dépourvue des produits qui renforcent ses effets. Ainsi les conséquences délétères de cette pratique sont largement inférieures à celles de la fumée de cigarettes. Une étude conclut aux effets néfastes pour des expositions d’une à huit semaines alors que la fumée de tabac aurait un effet comparable en un jour! On peut alors s’étonner des mises en garde alarmistes. L’accord semble général pour dire que ce produit est infiniment moins dangereux que la cigarette traditionnelle.
La cigarette électronique avec nicotine
Une revue de treize études existantes montre que la cigarette électronique avec nicotine a deux fois plus de chance de conduire à un arrêt complet d’au moins six mois que celle sans nicotine et que davantage de fumeurs avaient réduit de plus de la moitié leur consommation sans événement indésirable grave. L’e-cigarette n’est aujourd’hui recommandée par aucune organisation officielle mais «la Haute Autorité de la santé considère en revanche que, du fait de sa toxicité beaucoup moins forte qu’une cigarette, son utilisation chez un fumeur qui a commencé à vapoter et qui veut s’arrêter de fumer ne doit pas être découragée».On estime que 400.000 fumeurs ont cessé de fumer en France en 2015 grâce à la cigarette électronique. La cigarette électronique contribue donc à aider les fumeurs à se libérer du tabac.
La cigarette électronique est devenue un objet à la mode qui pourrait tenter les mineurs mais l’étude faite à Paris est plutôt rassurante. Même en ajoutant les différentes sources de nicotine (tabac plus e-cigarettes), leur utilisation par les collégiens parisiens est en baisse. L’e-cigarette n’apparaît donc pas comme un mode d’initiation au tabagisme des jeunes mais elle ne peut être destinée aux enfants et adolescents et, comme pour le tabac, sa vente doit être interdite aux mineurs ainsi que le stipule la loi Hamon de mars 2014.
L’usage en public de l’e-cigarette est difficile à distinguer de celui des cigarettes classiques et il peut donc inciter à ne plus respecter les interdictions de fumer. Il y a un large consensus des acteurs de santé publique pour demander l’interdiction de l’usage de l’e-cigarette dans tous les lieux où il est interdit de fumer.
Réglementer la fabrication de l’e-cigarette
Des campagnes publicitaires, y compris à la télévision française, ont déjà commencé, destinées indistinctement aux fumeurs, aux non-fumeurs, aux enfants et adolescents. Il est donc évident qu’il faut interdire toute publicité et toute promotion de ce produit, sauf dans son utilisation comme méthode d’arrêt si celle-ci est reconnue.
Les baisses des ventes de cigarettes en 2012, 2013 et 2014 ne peuvent être dues aux insuffisantes augmentations de prix et il est donc probable que les baisses de ventes de cigarettes traditionnelles en France depuis 2012 soient liées au rapide accroissement des ventes de cigarettes électroniques.
L’Académie nationale de médecine a recommandé en mars 2015 de réglementer la fabrication de l’e-cigarette afin d’en assurer la fiabilité (norme Afnor), de ne pas dissuader les fumeurs qui l’utilisent et de favoriser l’émergence d’une e-cigarette «médicament», de maintenir et d’assurer l’application de l’interdiction de vente aux mineurs, de son usage en public partout où il est interdit de fumer du tabac, d’en interdire toute publicité et promotion.
Public Health England a indiqué en août 2015 que la cigarette électronique était 95 % moins nocive que la fumée de tabac, qu’il n’y avait aucune preuve que la cigarette électronique servait de porte d’entrée au tabagisme des jeunes, avait contribué à la baisse du tabagisme des adultes et des jeunes. Le remboursement d’une cigarette électronique a depuis été décidé.
Propagande et publicité
La loi du 26 janvier 2016 interdit en France à partir du 20 mai 2016 la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des dispositifs électroniques de vapotage ainsi que toute opération de parrainage ou de mécénat. Elle interdit le vapotage dans certains lieux (établissements scolaires, moyens de transport collectif fermés, lieux de travail fermés et couverts à usage collectif), mais pas tous ceux où il est interdit de fumer. Comme pour le tabac, la preuve de majorité doit être demandée à l’acheteur.
L’avis du Haut Conseil de la santé publique du 22 février 2016 reconnaît la cigarette électronique comme aide à l’arrêt du tabac, comme mode de réduction des risques et demande une réflexion sur une cigarette électronique médicalisée (enrichie en nicotine). Il recommande l’interdiction de vapoter partout où il est interdit de fumer, y compris les bars, restaurants et discothèques.
La cigarette électronique a été mise au point au début par des amateurs talentueux et l’engouement des fumeurs a rendu tout retour en arrière impossible. Elle s’est imposée sur un marché qui s’est rapidement développé. À l’évidence, malgré des remises en cause médiatisées mais mal fondées, la toxicité de l’e-cigarette est bien plus faible que celle de la fumée de tabac. Elle ne participe pas à une initiation au tabagisme des enfants et adolescents. Elle est quasiment exclusivement utilisée par des fumeurs ou anciens fumeurs qui craignent de récidiver. Son efficacité dans l’arrêt du tabac semble s’affirmer et elle a contribué, au moins en France et en Angleterre, à une baisse des ventes de tabac. Une législation et une réglementation en cours de mise en place sont cependant nécessaires pour garantir la sécurité d’un produit plébiscité par les fumeurs et moduler son utilisation. La cigarette électronique est donc un outil utile à la réduction de la mortalité et de la morbidité dues au tabac.
Source : Le Figaro