La cigarette électronique, incontestablement moins dangereuse pour la santé que l’originale, est-elle pour autant dénuée de risque? Si ce dispositif constitue une alternative de plus en plus répandue à la consommation de tabac, des chercheurs américains insistent sur la nécessité d’en étudier les effets à long terme.
Selon des résultats préliminaires présentés au congrès de l’Association américaine pour la recherche sur le cancer, l’exposition à la vapeur de l’e-cigarette induit en effet, sur certaines cellules bronchiques précancéreuses, des modifications comparables à celles provoquées par la fumée du tabac. «Nos travaux suggèrent que la cigarette électronique pourrait bien ne pas être bénigne», prévient Avrum Spira, chercheur à l’université de Boston, dans la revue Nature.
Cet article, l’un des premiers à mettre en évidence un effet délétère du «vapotage» in vitro, ne préjuge pas de la toxicité de cette pratique chez l’homme. Pour en arriver à sa conclusion, les scientifiques américains se sont en effet concentrés sur des cellules porteuses de mutations génétiques dont la présence est généralement annonciatrice d’un cancer du poumon. «Il est possible que la vapeur de cigarette électronique agisse comme un stimulant sur ces cellules très spécifiques, concède le docteur David Planchard, oncologue à l’Institut Gustave-Roussy (Villejuif), mais cela ne signifie pas qu’elle soit capable de créer des cellules cancéreuses à partir d’un terrain sain – comme cela se produit avec la fumée de cigarette.»
Contrairement au tabac, dont la combustion dégage du monoxyde de carbone et des particules solides, la cigarette électronique ne génère pas de substance cancérigène à des taux significatifs. La nicotine et les solvants qui entrent dans sa composition n’interviennent a priori pas dans la genèse du cancer du poumon. Quant aux effets irritants induits par certains de ces produits, ils semblent moins sévères que ceux associés à la consommation de tabac.
Moins nocif que la cigarette
«Prouver totalement l’innocuité de ce dispositif prendra sans doute de longues années, insiste le pneumologue Bertrand Dautzenberg, qui en est aujourd’hui un farouche partisan, mais on sait avec certitude que le “vapotage” est infiniment moins nocif pour la santé que la fumée de cigarettes.» Comme lui, un nombre grandissant de tabacologues plaident pour une diffusion la plus large possible de la e-cigarette. Rappelant que le tabac est responsable de 73 000 morts par an, ils y voient un outil inespéré pour faire baisser la consommation de tabac. «On observe depuis quelques mois une baisse des ventes de cigarettes», note d’ailleurs le Pr Dautzenberg.
Depuis l’introduction de la cigarette électronique sur le marché européen au milieu des années 2000, les experts se divisent sur l’opportunité de la promouvoir activement. Selon une enquête récente, plus d’un million de Français l’utiliseraient quotidiennement. Or, certains scientifiques hésitent à encourager l’usage de cet outil tant que l’on ne disposera pas d’un recul suffisant pour établir son innocuité. D’autres rappellent que l’absorption de nicotine perpétue une accoutumance néfaste. Selon le Dr David Planchard, «il est important que la cigarette électronique soit envisagée comme un outil d’aide au sevrage, dont l’usage doit être limité dans le temps».
Par Delphine Chayet pour Le Figaro Santé