Mustapha Ibrahimi, député et vice-président de la Commission des secteurs sociaux à la Chambre des représentants, a déclaré à Attajdid, l’hebdomadaire du Parti de la justice et du développement (PJD), que « l’incapacité de quatre gouvernements successifs à sortir les décrets d’application de la loi portant sur l’interdiction de fumer dans certains lieux publics est due à l’opposition des lobbys du tabac« .
« Il y a une opposition inhabituelle et hybride, menée par l’industrie du tabac au Maroc. Cette industrie et ses alliés sont contre l’application de la loi (portant interdiction de fumer dans les lieux publics ndlr), et contre la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte anti-tabac (qui n’a pas été ratifiée par le Maroc ndlr). »
Toujours selon Ibrahimi, « les cercles du tabac au Maroc font du lobbying auprès de différentes institutions« , dont le parlement. Et d’évoquer une tentative d’influence qui a presque réussi en 2014, lorsqu’un « parlementaire de la deuxième chambre a presque réussi à faire passer un amendement dans la loi de finance 2014, pour la réduction des taxes sur le tabac« , ce qui a contraint une « société à augmenter le prix de l’une des marques de cigarettes les plus vendues, qui est passé de 17,5 à 21 dirhams« .
« Le lobbying a toujours existé. Seulement, lorsqu’il concerne le tabac, il est plus puissant, et s’exerce avec plus de pression. Ça va au-delà de la tentative d’influence ou de plaidoyer« , déclare au HuffPost Maroc Abdellah Bouanou, président du groupe parlementaire du PJD. Si, « auparavant, le lobbying se faisait de manière discrète, aujourd’hui, il est exercé à visage découvert« , ajoute-t-il, précisant que « parfois, ce sont les représentants des sociétés du tabac eux-mêmes qui viennent au parlement pour plaider leur point de vue« .
Pour information, Le Maroc a été le premier pays à avoir élaboré une loi contre le tabagisme au niveau régional en avril 1991, entrée en vigueur le 3 février 1996, portant sur l’interdiction de fumer dans certains lieux publics et de faire de la propagande ou de la publicité en faveur du tabac. Mais aucun décret d’application de cette loi n’a été promulgué depuis.
« L’arsenal juridique anti-tabac est bien insuffisant pour combattre le phénomène. Les dispositions de la loi 15-91 relative à l’interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif ne sont pas du tout dissuasives« , expliquait au HuffPost Maroc Abdessalam Krombi, secrétaire général de l’Association marocaine de lutte contre le tabac et les drogues.
Et d’ajouter que « cette loi n’est pas encore entrée en vigueur, vu qu’elle est bloquée dans les tiroirs du Secrétariat général du gouvernement (SGG) depuis 25 ans… Le Maroc fait aussi partie des rares pays dans le monde à ne pas avoir encore ratifié la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte anti-tabac (CCLAT). Dans la région Maghreb Moyen-Orient, seuls le Maroc et la Somalie n’ont pas ratifié cette convention« .
Source : huffpostmaghreb