Alors que l’OMS multiplie les déclarations d’opposition aux mesures de réduction des risques, sa politique pourrait compromettre l’objectif de santé publique qu’elle est censée poursuivre.
Le Think Tank Reason Foundation vient de publier un rapport intitulé « L’opposition de l’OMS à la réduction des risques liés au tabac : une menace pour la santé publique ? ». L’étude revient sur dix ans de politique menée par l’organisation basée à Genève, notamment connue pour ses nombreuses mises en garde contre les différents produits de substitution à la cigarette traditionnelle. La Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (FCTC selon l’acronyme anglais), premier traité négocié sous les auspices de l’Organisation, est entré en vigueur en 2005 après plusieurs années de discussions. Plus de dix ans après, la FCTC a-t-elle atteint ses objectifs ?
Le rapport de Reason Foundation rappelle d’emblée les derniers chiffres de la consommation mondiale de tabac, qui montrent une tendance globale au ralentissement de la baisse de la consommation. Si la prévalence du tabagisme a globalement diminué, le nombre annuel de fumeurs qui arrêtent de fumer diminue. Le déclin de la consommation de tabac a été plus forte sur la période de 1996 à 2006 que durant la période précédente (1980-1996) mais, depuis 2006, le rythme a considérablement ralenti. « Pire », souligne le rapport, « en Chine, pays qui compte le plus grand nombre de fumeurs au monde, la prévalence du tabagisme a en moyenne augmenté de 0,2 % chaque année entre 2006 et 2012 ».
Les substituts sans combustion dans le viseur de l’OMS
Certains fumeurs réussissent cependant à arrêter de fumer, mais une nouvelle fois, difficile d’en conclure une quelconque réussite de l’OMS. Le recours aux produits de substitution expliquerait en effet en grande partie la tendance à la baisse, en particulier ces dernières années grâce à l’entrée sur le marché de la cigarette électronique et des inhalateurs de nicotine sans combustion.
D’après une étude réalisée par la Commission européenne en juin 2016, sur la seule année 2014, pas moins de 6 millions de personnes en Europe auraient arrêté de fumer grâce à la cigarette électronique, dont 400 000 en France et plus d’1,1 million au Royaume-Uni. En parallèle, 9 millions d’Européens auraient diminué leur consommation de tabac, parmi lesquels plus d’un tiers utilisent la cigarette électronique. Inhalateurs de tabac sans combustion et e-cigarettes ont ainsi des effets notables sur le tabagisme depuis leur entrée sur le marché.
L’OMS met pourtant en garde contre ces produits, sa directrice générale, Margaret Chan, allant jusqu’à demander aux gouvernements du monde entier « d’interdire les e-cigarettes ou tout appareil de libération électronique de nicotine ». L’organisation de son côté se contente pour le moment de demander à ce que les cigarettes électroniques soit mise sur le même plan législatif que les cigarettes conventionnelles. Une mesure vivement critiquée par une grande partie de la communauté scientifique.
« Droit de tous les peuples au niveau de santé le plus élevé possible »
Selon le préambule de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, il s’agit d’un « un traité fondé sur des données factuelles, qui réaffirme le droit de tous les peuples au niveau de santé le plus élevé possible. ». Il poursuit : « à la différence des précédents traités de lutte contre la drogue, la Convention-cadre affirme l’importance des stratégies de réduction de la demande au même titre que de réduction de l’offre. » Le rapport de Reason Foundation pointe les incohérences de cette stratégie « zéro risque » de l’OMS.
Il s’interroge sur la pertinence de cette politique anti-réduction des risques qui prive les personnes en état de dépendance vis-à-vis des produits du tabac traditionnels de moyens de substitution qui ont fait leurs preuves dans l’accompagnement des fumeurs. Mettre cigarette électronique et inhalateurs de tabac sans combustion dans le même sac que les cigarettes traditionnelles a finalement pour effet de dissuader les fumeurs de se tourner vers ces substituts moins nocifs, au risque d’aller à l’encontre même de l’objectif de santé publique affiché par l’OMS.
Source : socialmag.news