Le ministère de la Santé du Québec ne croit pas à la cigarette électronique comme outil pour cesser de fumer le tabac, et ce, en dépit de témoignages, de médecins et d’études qui disent le contraire.
«La cigarette électronique n’est pas considérée comme un moyen efficace pour cesser de fumer. En fait, ce n’est pas un moyen tout court.» C’est ce qu’a lancé la porte-parole Caroline Gingras, du ministère de la Santé, lors d’une entrevue sur la nouvelle loi contre le tabagisme en vigueur depuis la fin novembre.
Plusieurs vapoteurs clament pourtant sa grande efficacité pour cesser de fumer, a relancé Le Journal. Mais ce n’est pas scientifique, a-t-elle répondu. Tout au plus, elle peut «aider à gérer les symptômes de sevrage», mais autrement, «l’état des connaissances actuel ne permet pas d’établir un consensus scientifique relativement à l’efficacité de la cigarette électronique pour cesser de fumer.»
«C’est n’importe quoi!»
Cette affirmation fait bondir l’éminent cardiologue de Québec, Paul Poirier. «C’est n’importe quoi! Ce n’est pas vrai !»
Il est certain que le gouvernement a toutes les études en main puisqu’il les a déposées en commission parlementaire. «Allez voir si ce sont tous des innocents en Angleterre » suggère le cardiologue, outré.
«Pourquoi l’Angleterre ? Parce que plus de gens y vapotent depuis plus longtemps qu’ici. C’est là qu’on trouve «la science la plus exacte et de plus longue durée.»
Fin août, les autorités de santé publique de la Grande-Bretagne ont publié une étude indépendante qui fait référence pour plusieurs médecins. En résumé, cette étude révèle que «les e-cigarettes sont significativement (95%) moins dommageables que le tabac et peuvent potentiellement aider des fumeurs à arrêter». Elle va même jusqu’à encourager son utilisation pour cesser de fumer.
La santé publique britannique ajoute que «de plus en plus d’études suggèrent que les taux les plus élevés de succès d’abandon du tabac sont observés parmi les fumeurs qui utilisent la cigarette électronique de concert avec les services publics d’aide» Le Dr Poirier est catégorique. «Si tout le monde fumait la cigarette électronique au lieu du tabac, il y aurait moins de problèmes de santé cardiovasculaire. Moi je suis là pour protéger le monde et la cigarette électrique, c’est moins dangereux, point à la ligne, on passe à un autre appel».
«Peur d’avoir peur»
Ici, «on a peur d’avoir peur», dit-il. Il comprend toutefois la prudence des autorités québécoises puisque celles-ci dépendent de Santé Canada pour le contrôle des produits. Une homologation est nécessaire pour qu’un produit soit qualifié d’aide à la cessation tabagique et aucun produit de cigarette électronique n’a reçu cette homologation du fédéral.
Plusieurs fabricants attendent avec impatience d’éventuelles normes de fabrication de Santé Canada, qui se contente pour l’instant de publier des avertissements généraux.
691 constats
L’absence de normes n’empêche pas Québec d’appliquer sa nouvelle Loi sur la lutte contre le tabagisme, et elle le fait avec rigueur. Depuis la fin novembre, les 25 inspecteurs ont visité 149 commerces parmi lesquels 124 n’étaient pas conformes. Pas moins de 691 constats ont été émis, mais encore aucune contravention.
Médecins et commerçants soutiennent que la nouvelle loi peut nuire aux chances de succès de la cigarette électronique pour cesser de fumer. Pourquoi? Si les intéressés ne peuvent pas faire d’essais en boutique, les risques de faire un mauvais choix sont grands, ce qui peut démotiver ceux qui veulent l’essayer.
C’est dans ce contexte que Le Journal a demandé au ministère de la Santé s’il reconnaissait que la nouvelle loi puisse nuire aux chances de succès de la cigarette électronique pour les fumeurs qui veulent arrêter. «Non, ça ne nuit pas», a répondu Caroline Gingras, porte-parole au ministère de la Santé.
Source : Journaldequebec.com