Dans une récente interview proposé par nos confrères de chez Atlantico, Gérard Dubois, membre de l’Académie nationale de médecine, où il occupe la fonction de président de la Commission Addictions donne son opinion sur l’e-cigarette, le tabac chauffé, la dépendance et l’utilisation chez les jeunes.
« LA VAPOTEUSE SUPPRIME L’EXPOSITION AUX SUBSTANCES DANGEREUSES DU TABAC »
Dans son interview, le site Atlantico pose trois questions à Gérard Dubois membre de l’Académie nationale de médecine, où il occupe la fonction de président de la Commission Addictions. Il est le co-auteur du rapport des « Cinq sages » au ministre des Affaires sociales sur la Santé Publique à l’origine de la loi Evin.
En quoi l’arrêt de la cigarette électronique peut-il être aussi difficile que celui de la cigarette ? En comparaison, quel est le produit ayant le plus de chances de développer une dépendance ?
Gérard Dubois : La vapoteuse (nom préférable à cigarette électronique) supprime l’exposition aux substances dangereuses produites par le chauffage ou la combustion du tabac car elle ne contient tout simplement pas de tabac. Les goudrons, en simplifiant, sont à l’origine de nombreux cancers dont le plus connu, celui du du poumon. Le monoxyde de carbone (CO) est un gaz à l’origine de maladies cardiovasculaires (dont la plus connue est l’infarctus du myocarde). Le tabac tuant un de ses fidèles consommateurs sur deux, on comprend que le vapotage réduit fortement les risques. A titre de comparaison, vapoter c’est rouler à 140 km/h sur l’autoroute, fumer du tabac, c’est rouler à contresens! La dépendance (ou addiction) au tabac est attribuée à la nicotine, qui chez le fumeur, n’a pratiquement pas d’autres effets négatifs. D’autres substances dans la tabac contribuent aussi à la dépendance et elles sont donc absentes des vapoteuses. Il ne faut pas confondre les vapoteuses qui ne contiennent pas de tabac avec les produits chauffés, mis sur la marché par l’industrie du tabac avec plus ou moins de succès, qui, eux, contiennent du tabac.
Les Etats-Unis ont constaté une hausse de la consommation de cigarette électronique chez les jeunes. Constate-t-on le même phénomène en France ?
Non, pas à ma connaissance. Il faut savoir qu’aux Etats-Unis, le taux limite de nicotine des vapoteuses est bien plus élevé qu’en Europe (5,9% contre 2%). De plus, les jeunes ont été visés par les fabricants de vapoteuses, très agressivement même par l’une d’entre elles apparue en 2017 et qui occupe aujourd’hui près des 3/4 du marché américain. Sa forme en clé USB en a fait un phénomène de mode amplifié par les réseaux sociaux et ses “facilitateurs”. De plus, elle produit peu de fumée, permettant un usage discret en tous lieux (même en classe!). La FDA vient de réagir vivement bien que tardivement. Cette vapoteuse qui vient d’être mise sur le marché par internet en France fait l’objet d’une enquête de la FDA sur ses pratiques commerciales et ses locaux ont été perquisitionnés en septembre 2018. Sous la menace de l’interdiction de ses produits, elle a retiré du marché américain des produits aux arômes particulièrement appréciés des jeunes (mangue, crème brûlée, concombre).
Faudrait-il renforcer l’encadrement de la consommation de la cigarette électronique ?
Le rachat partiel de 35% des actions du principal fabricant de vapoteuses aux Etats-Unis par Altria (propriétaire de Marlboro!) pour 12,8 milliards de dollars alors que celui-ci vient aussi d’acheter 45% d’un producteur canadien de cannabis pour 1,8 milliard de dollars doit inquiéter. Ce cigarettier a fait partie des ceux condamnés en termes sévères il y a 12 ans pour pratiques de type mafieux (loi RICO). La législation française et européenne du vapotage doit permettre d’en limiter les effets négatifs à condition qu’elle ne soit pas contournée par ceux qui en ont fait un exercice renouvelé depuis des décennies. En France, la cigarette électronique a accompagné jusqu’ici une baisse de l’exposition au tabac et à la nicotine des jeunes. Il faut veiller à ce que cela continue et s’opposer aux démarches pernicieuses de certaines pratiques commerciales douteuses destinées à rentabiliser des investissement massifs demandant de rapides profits.