Alors même que le débat sur l’e-cigarette revient sur le devant de la scène avec le récent avis du Haut Conseil de la santé publique, certains organismes manifestent un véritable désaccord sur l’utilisation du vapotage dans le sevrage du tabagisme. C’est le cas de Santé Respiratoire France qui a décidé de prendre parti en disant que « oui », la cigarette électronique peut aider au sevrage du tabac.
« ON POUVAIT S’ATTENDRE AUX CONCLUSIONS DU HCSP… »
Pas simple aujourd’hui de prendre position pour l’e-cigarette alors même que le monde scientifique reste divisé sur le sujet. Pourtant, Santé Respiratoire France n’a pas hésité une seconde à s’opposer à l’avis du Haut Conseil de la santé publique qui déclarait que « les bénéfices potentiels et les risques » de l’utilisation de la cigarette électronique « ne sont pas établis à ce jour ».
Pour le Dr Frédéric le Guillou, pneumologue-allergologue, tabacologue et président de l’association Santé respiratoire France, ce n’est pas juste !
« On pouvait s’attendre à ces conclusions de la part du HCSP ; la saisine leur imposant de comparer un médicament soumis à la rigueur de l’AMM à un produit de consommation courante et n’ayant à son actif que de rares études de piètre qualité. Cela illustre deux visions : la médecine fondée sur les preuves dans le cadre d’une démarche collective, versus l’utilisation au niveau individuel d’un produit largement distribué. »
Il ajoute néanmoins un bémol : « Il faut cependant se placer là dans une prise en charge sociétale de la dépendance au tabac et pas uniquement pharmacologique », s’empresse-t-il d’ajouter. « C’est toute la limite de la démarche scientifique. En effet, dans un objectif de levée d’addiction, il ne faut pas à mon sens se poser sur un plan uniquement scientifique mais plus global, et savoir exploiter les aides qui n’ont pas forcément répondu aux mêmes démarches de validation, à savoir les thérapies cognitivo-comportementales, l’hypnose, l’acupuncture, etc. »
Et le Dr Le Guillou assume sa position : « Je suis en désaccord avec l’avis du HCSP lorsqu’il déconseille aux médecins de l’utiliser car, la plupart du temps, nous nous trouvons dans le cadre d’une décision partagée, et de plus la e-cigarette n’est pas délivrée sur prescription médicale. Avec les substituts nicotiniques, on ne répond pas à 75 % des personnes en demande de sevrage tabagique. A partir du moment où un patient nous consulte et s’investit dans ce type de démarche, il est en droit de ne pas vouloir des substituts nicotiniques, dont on connaît les limites, et le professionnel devrait pouvoir lui proposer d’autres solutions. Cela vaut pour l’ensemble des méthodes qui peuvent aider au sevrage, à l’échelon individuel. »
Il faudrait se placer au-delà de la science, complète le pneumologue ; « Cela fait partie du service médical rendu au patient, même hors prescription, et dans la bienveillance : vouloir le bien de l’autre sans lui imposer sa propre version du bien (citation d’Alexandre Jollien, philosophe). Il y a l’Evidence-Based Medicine mais également l’Evidence-Based practice medicine, qui repose sur les sciences humaines et cognitives, complémentaire de la médecine, et pour une approche humaniste du soin. »