En Suisse, le projet de nouvelle législation sur les produits du tabac ne prévoit pas d’instaurer un système de traçabilité des cigarettes qui soit comparable à celui préconisé par l’Organisation mondiale de la santé.
LA SUISSE NE S’IMPLIQUERA PAS DANS LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE
Alors que la lutte contre le commerce illicite des produits du tabac vient de franchir une étape importante sur le Vieux Continent, la Suisse ne s’y impliquera pas. Depuis le 20 mai 2019, l’Union européenne (UE) dispose d’un nouveau dispositif de traçabilité du tabac. Sur tous les paquets et les cartouches de cigarettes figure désormais un code ID permettant aux autorités nationales de suivre et de retracer leurs parcours tout au long de la chaîne d’approvisionnement.
Chaque État membre est responsable de désigner une entité chargée de la délivrance des nouvelles marques de traçabilité. Par exemple, c’est l’Imprimerie nationale qui fournit en France les codes apposés sur la marchandise. De leur côté, les fabricants et les importateurs ont dû conclure des contrats avec des fournisseurs de stockage de données chargés d’héberger les indications de traçabilité.
Or, dénoncent des associations pour la prévention du tabagisme, la directive européenne est insuffisante afin de garantir «une traçabilité strictement indépendante des cigarettiers», prévue par le Protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac. Entré en vigueur en automne 2018, celui-ci s’inscrit dans le cadre de la Convention de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte anti-tabac (FCTC). Les reproches touchent au fait que certains acteurs qui s’occupent du stockage des données entretiendraient des liens indirects avec les industriels de la branche.
Les signataires du Protocole ont jusqu’en 2023 pour mettre en œuvre les nouvelles règles. Elles découlent du fait que les pertes annuelles en termes de recettes fiscales liées au commerce illicite de tabac sont estimées à environ 11 milliards d’euros au sein de l’UE et à quelque 30 milliards de dollars dans le monde.
AUCUNE MESURE POUVANT NUIRE A L’INDUSTRIE DU TABAC
Comme la Suisse figure parmi les rares pays qui n’ont pas ratifié la Convention de l’OMS, elle n’est pas concernée par ce dispositif. Jusqu’à quand? «Il est impératif d’attendre sa mise en œuvre dans l’UE avant de se prononcer sur les mesures qui seront éventuellement prises en Suisse. Vu les liens commerciaux internationaux, une solution propre à la Suisse n’aurait aucun sens et serait contraire à l’objectif visé par l’OMS.» Cette position du Conseil fédéral remonte à 2015.
Aujourd’hui, elle n’a pas évolué. Le projet de nouvelle loi sur les produits du tabac et les cigarettes électroniques, qui sera débattu au Parlement en 2020, ne prévoit pas d’instaurer un système de traçabilité comparable à celui de l’OMS. Dans son message, le Conseil fédéral ne se prononce pas sur le système qui est actuellement exploité en Suisse par les fabricants de cigarettes. Mais on devine qu’il le juge suffisant. Il indique aussi que l’Administration fédérale des douanes participe, dans le cadre de la coopération douanière et policière internationale, à un groupe d’experts rattaché à Europol, chargé de la lutte contre la contrebande de tabac en Europe.
Selon le parti socialiste, le fait que le Conseil fédéral ne souhaite pas instaurer un système de traçabilité est contestable. «Il ne faudrait pas qu’une non-participation de la Suisse aux efforts internationaux ne laissât apparaître des failles dans la coopération internationale douanière et policière», a-t-il affirmé lors de la procédure de consultation de la loi.
Au Parlement, les jeux sont déjà faits. La majorité des députés ne prendront aucune mesure pouvant nuire à Philip Morris International, British American Tobacco, Japan Tobacco International qui sont installés en Suisse. Ces trois géants contrôlent, à eux seuls, environ 80% du marché mondial.