Le député (En Marche), François-Michel Lambert détaille les cinq mesures pour lutter contre le tabac qu’il proposera lors du projet de loi de Finances et lors du projet de loi de financement de la Sécurité Sociale.
CINQ MESURE POUR LUTTER CONTRE LE TABAGISME ! VRAIMENT ?
– La prise en charge par les cigarettiers de la lutte contre le commerce parallèle.
Le Président de la République Emmanuel Macron et la Ministre de la Santé Agnès Buzyn souhaitent une forte hausse des prix du tabac pour réduire drastiquement le nombre de fumeurs, conformément aux préconisations de l’OMS. C’est une bonne chose. Mais il ne faut pas nier que cette forte hausse risque de se traduire, sans mesures correctives, par une hausse du commerce parallèle, chiffré déjà à plus de 25% dans notre pays. Or, ce que l’on ne dit jamais assez, c’est que ce sont les cigarettiers qui organisent et alimentent le commerce parallèle. Une responsable de la Seita-Imperial Tobacco le reconnaissait dans une interview à la revue des buralistes Le Losange en novembre 2016 : la contrefaçon ne représente que 0,2% du commerce parallèle et les Illicit White, ces cigarettes fabriquées par des cigarettiers, mais pas commercialisées officiellement en France, que 1%. Cela signifie que 98,8% du commerce parallèle est du vrai tabac qui sort directement des usines des cigarettiers.
Cela signifie donc aussi que les cigarettiers sont responsables à 98,8% de la perte fiscale annuelle de 3 milliards d’euros que subit notre pays à cause de leurs manœuvres, et que nous, contribuables, fumeurs et non-fumeurs, devons assumer. Je demande donc au gouvernement de mettre en œuvre immédiatement la traçabilité des produits du tabac telle que définie par le Protocole de l’OMS » pour éliminer le commerce illicite du tabac » ratifié par la France le 30 novembre 2015 après des votes à l’unanimité – ce n’est pas si courant – de l’Assemblée nationale et du Sénat, et par l’Union européenne le 24 juin 2016. Une traçabilité qui selon l’article 8-12 du Protocole de l’OMS doit être strictement indépendante des cigarettiers. Cette traçabilité doit aussi concerner les nouvelles cigarettes de tabac chauffé que lancent les cigarettiers actuellement comme l’iQos, la Ploom, ou autre Glo.
Je propose qu’on trace également, comme le suggérait mon collègue Frédéric Barbier, député du Doubs, dans son Rapport » Sur l’avenir des buralistes » publié en octobre 2015, que les recharges pour cigarettes électroniques. Cette traçabilité ne coûtera rien à l’Etat, le Protocole de l’OMS prévoyant qu’elle soit financée à 100% par les cigarettiers. Cette mesure doit permettre à l’Etat de récupérer jusqu’à 3 milliards d’euros par an, de réduire le coût pour le budget de l’Etat du Contrat d’Avenir Etat/buralistes en permettant à ces derniers de gagner jusqu’à 250 millions d’euros de chiffre d‘affaires annuel supplémentaire et ceci grâce à leur travail et non à des subventions. De plus cette traçabilité permettra de réduire les dépenses liées aux enquêtes de police et de gendarmerie des cambriolages dont sont victimes quotidiennement les buralistes, la traçabilité permettant de remonter les filières, facilitant la charge de la preuve.
– La condamnation financière des cigarettiers de leurs mensonges, notamment sur le commerce parallèle
Les cigarettiers ont l’habitude, pour empêcher toute nouvelle mesure législative, réglementaire, fiscale d’agiter le chiffon rouge de la hausse potentielle du commerce parallèle, qu’ils organisent pourtant sciemment comme on l’a vu. Pour cela, ils n’hésitent pas à diffuser des études, des chiffres, des statistiques, souvent totalement inventés ou bidonnés, mais qui, repris par les médias, font le buzz, et peuvent influencer les pouvoirs publics. Ainsi le 4 juillet dernier, l’association anti-tabac le Comité National Contre le Tabagisme (CNCT) a montré que les chiffres contenus dans le dernier Rapport KPMG/cigarettiers sur l’évolution des Illicit White étaient trafiqués d’année en année pour les rendre plus gros. J’ai aussitôt décidé de déposer une proposition de loi pour créer un nouveau délit, essentiellement financier, à l’encontre des cigarettiers » pour divulgation volontaires de fausses informations, de faux chiffres « .
Les cigarettiers sont responsables de 80000 morts chaque année en France, de 700000 en Europe et de 5 millions dans le monde. Ils coûtent chaque année des centaines de milliards aux contribuables pour se partager, à quatre, quelques dizaines de milliards d’euros de profits. Non seulement ils ne doivent plus pouvoir se prévaloir de leur propre turpitude, mais ils doivent être condamnés financièrement pour leur malignité.
– La prise en charge par les cigarettiers de la pollution occasionnée par les mégots.
Chaque année dans le monde six mille milliards de cigarettes sont fumées. Elles sont 65 milliards en France. Ce sont quasiment autant de mégots qui se retrouvent dans la nature. Or un mégot peut mettre jusqu’à 12 ans pour disparaître. Entre temps, il aura libéré les quelque 4000 substances qu’il contient. Un seul mégot peut polluer 500 litres d’eau ou 1m3 de neige. Le principe » pollueur-payeur » doit aussi être appliqué aux cigarettiers. Je propose la création d’une contribution environnementale payable par les seuls cigarettiers, d’un montant à définir par le Parlement, mais qui pourrait être de 2 à 5 centimes par paquet de cigarettes. Et je propose que le montant, quelques dizaines de millions d’euros chaque année.
– La prise en charge par les cigarettiers de la prévention contre le tabagisme.
Lors de la dernière loi de santé, nous avons créé un fonds de prévention contre le tabagisme. Il est indispensable en effet que nous améliorions la prévention dans les écoles notamment, à l’exemple de l’Allemagne et des pays anglo-saxons, bien plus performants que nous dans ce domaine. Pour cela, il faut abonder ce fonds de prévention. Je m’oppose, là encore, à ce qu’on fasse appel au budget de l’Etat ou à celui de la Sécurité Sociale en fonction du même principe : les contribuables et assurés sociaux, et notamment les non-fumeurs, n’ont pas à financer les conséquences d’un produit aussi addictif que le tabac. Je propose donc que seuls les cigarettiers abondent ce fonds de prévention. Je propose que ce fonds soit abondé de la manière la plus simple, au travers du vote par le Parlement d’une hausse des droits d’accises, à hauteur de 50 à 100 millions d’euros chaque année.
– La prise en charge par les cigarettiers de la hausse de la rémunération des buralistes.
Les 25000 buralistes sont souvent, dans nombre de quartiers ou de village, le dernier lieu de vie, le dernier commerce de proximité. Ils sont aussi les victimes des cigarettiers qui les utilisent comme porte-voix ou chair à canon. On en arrive au paradoxe que les cigarettiers demandent aux buralistes de protester contre le poids d’un commerce parallèle qu’ils ont eux-mêmes organisés ! Je souhaite que l’on libère les buralistes du joug des cigarettiers en augmentant leur rémunération. Je propose que cette dernière soit portée à 11% du prix d’un paquet de cigarettes. Une augmentation de la rémunération des buralistes qui serait financée à 100% par les cigarettiers. Cette hausse de la rémunération permettra en outre aussi de réduire les dépenses de l’Etat liées au Contrat d’avenir Etat/buralistes.